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Élections aux États-Unis: quelles répercussions sur les économies nord-américaines?

Charles Poulin|Mis à jour hier à 19h29

Élections aux États-Unis: quelles répercussions sur les économies nord-américaines?

L'élection de Donald Trump ou de Kamala Harris aura des implications différentes pour l'économie au Canada et aux États-Unis. (Photo: GettyImages)

Quelles seront les répercussions sur les économies canadiennes et américaines du résultat de l’élection présidentielle chez nos voisins du Sud? Deux experts invités par CFA Montréal ont dressé un portrait des possibles conséquences, en fonction d’une victoire démocrate, avec l’élection de Kamala Harris ou républicaine, avec l’élection de Donald Trump.

Michael Medeiros, CFA, directeur général, associé et stratège macroéconomique chez Wellington, s’attarde aux principaux contrecoups pressentis pour le marché américain, tandis que Dominique Lapointe, CFA et stratège macroéconomie mondiale au sein de l’équipe solutions multiactifs chez Gestion de placements Manuvie, fait le point pour le marché canadien.

Aux États-Unis

  • La dette

C’est «l’éléphant dans la pièce», souligne Michael Medeiros, CFA, directeur général, associé et stratège macroéconomique chez Wellington. Le niveau de la dette américaine atteint un plafond record (au-delà de 120% du PIB). L’arrivée de Donald Trump à la présidence engendrerait probablement une dette plus élevée pour les dix prochaines années.

«Il serait plus agressif fiscalement, explique Michael Medeiros. Les baisses d’impôts qu’il suggère mèneraient à une augmentation du déficit d’environ 6000 milliards de dollars américains (G$US) sur 10 ans.»

Ceci serait toutefois en partie compensé par des hausses tarifaires totalisant 3000G$US, ce qui couperait le déficit appréhendé en deux.

Si Kamala Harris est élue, la dette augmenterait tout de même, mais pas de la même manière, soutient-il.

Elle a indiqué vouloir dépenser plus dans les programmes sociaux, soit 6000G$US au cours de la prochaine décennie. Une fois les augmentations d’impôts prises en compte, le déficit se creuserait entre 1500G$US et 2000G$US.

« Les politiques de chacun des candidats rehausseraient les niveaux de dette, mais celles de Donald Trump seraient plus accélératrices », note-t-il.

  • Immigration

Les politiques d’immigration seront essentielles pour le marché du travail, indique Michael Medeiros, en raison d’une population vieillissante et d’une participation au marché du travail en régression.

« Encore une fois, Donald Trump et Kamala Harris ont des politiques différentes », remarque-t-il.

Ce que la candidate démocrate propose est restrictif, mais ce que le républicain suggère l’est encore plus, au point de parler de déportation de personnes, observe-t-il.

« Réduire le bassin de travailleurs alors que la demande est positive veut dire une augmentation potentielle des salaires au détriment de la croissance », soutient Michael Medeiros. Les programmes sont similaires, mais celui de Donald Trump fait encore office d’accélérateur. »

  • Politiques commerciales

Michael Medeiros rappelle que Donald Trump s’est clairement prononcé en faveur de la démondialisation pour les États-Unis.

Si la démondialisation du pays ne s’est pas amorcée avec son arrivée à la présidence, en 2017, il a encore agi comme un accélérateur dès son premier tour au bâton.

Cette fois-ci, l’ex-président américain parle d’imposer de nouveaux tarifs commerciaux d’au moins 10% pour la plupart des autres pays et, dans certains cas comme la Chine ou des produits en particulier, de tarifs pouvant atteindre 50%.

Ce type de politiques amplifierait l’inflation sur le marché américain, plaide Michael Medeiros.

Cela ne signifie pas que les politiques de Kamala Harris seraient plus souples. L’expert observe que l’administration Biden-Harris n’a pas réellement modifié les politiques mises en place sous Donald Trump. Le protectionnisme n’est donc pas un thème qui disparaîtra.

Cela va se traduire par un choc négatif sur les chaînes d’approvisionnement, particulièrement sur une base mondiale, qui serait à nouveau accéléré par une réélection de Donald Trump.

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Au Canada

  • Exportations

Il s’agit ici d’une tendance lourde, mentionne Dominique Lapointe, CFA et stratège macroéconomie mondiale au sein de l’équipe solutions multiactifs chez Gestion de placements Manuvie.

La part du Canada dans l’importation de produits par les Américains décline depuis la fin des années 90. Même au cours des quatre dernières années, avec toutes les discussions entourant le reshoring et le friend shoring, le Canada n’a pas été en mesure de faire des gains.

« C’est plutôt le Mexique, la Corée du Sud et l’Asie qui en ont profité, souligne-t-il. Et nous ne croyons pas que ceci changera, peu importe qui remporte la présidence, qui contrôlera le Congrès ou encore ce qui va se produire pendant le cycle économique à court terme. »

Il rappelle d’ailleurs que le Buy American Act a été mis en place par un président démocrate, Barack Obama.

« Les programmes tels le Infrastructure Act, le Inflation Reduction Act et les autres n’ont pas ouvert le marché américain aux produits et services étrangers, même pas pour le reste de l’Amérique du Nord, remarque Dominique Lapointe. Ça a été mis en place pour stimuler les investissements domestiques. »

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de politiques à surveiller pour les entreprises canadiennes. Le Canada conserve une balance de paiements positive avec les États-Unis, mais le prochain président pourrait trouver des façons d’aller chercher des concessions, prévient-il.

Par exemple, Donald Trump parle de tarifs universels de 10% à 20%, et Dominique Lapointe ne croit pas que le Canada en serait exempté au départ, même si les négociations de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (USMCA) pourraient ultimement servir de levier.

  • Pétrole et énergie

Ce secteur d’activités pourrait s’avérer un point positif pour le Canada, estime Dominique Lapointe.

Sans pouvoir nécessairement exporter plus de pétrole ou de gaz, la capacité canadienne est au rendez-vous et les politiques globales de certains pays producteurs d’énergie, l’Iran par exemple, pourraient faire grimper les prix.

Si jamais Kamala Harris remporte l’élection, les politiques américaines mises en place par Joe Biden devraient rester essentiellement les mêmes, affirme Dominique Lapointe.

De plus, si Donald Trump décide de retirer les éléments environnementaux du Inflation Reduction Act (concernant notamment l’énergie propre), le Canada pourrait en tirer parti, estime-t-il.

« Certains investissements pourraient alors migrer vers le Nord, en assumant que le Canada conserve son propre plan [pour une économie propre]», avance-t-il.

  • Le Canada, pas une priorité

On fait grand cas de la volonté de Donald Trump d’imposer des barrières tarifaires à gauche et à droite ou encore du protectionnisme des démocrates, mais le Canada devrait être l’un des derniers pays à en souffrir.

Tout d’abord, le consensus est que le Canada n’est pas une priorité ni pour Donald Trump ni pour Kamala Harris.

« Ce qui veut dire qu’en termes d’implantation de premiers changements de politiques commerciales ou de barrières tarifaires, les autres pays devront probablement faire face à des négociations plus difficiles, explique l’expert. Cela devrait laisser plus de temps à nos gouvernements et à nos entreprises pour anticiper et réagir à ce qui s’en vient.»