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Le conglomérat Berkshire Hathaway a franchi durant la dernière semaine d’août un cap symbolique, alors que sa capitalisation boursière a dépassé les 1000 milliards de dollars américains (G$ US).
Les grands titres ont eu tôt fait de déclarer que Berkshire était la première entreprise américaine non issue du monde de la haute technologie à atteindre une valorisation boursière aussi élevée.
C’est vrai… à un peu plus de 90 % ! N’oublions pas qu’au 30 juin dernier, Berkshire possédait 400 millions d’actions d’Apple (AAPL, 229,00 $ US) et 10 millions d’actions d’Amazon (AMZN, 178,50 $ US) ; participations dont les valeurs totalisaient, à la fin août, respectivement 91,6 G$ US et 1,78 G$ US.
Apple constituait, à la fin du second trimestre, plus de 30 % du portefeuille d’actions de l’entreprise dirigée par Warren Buffett, loin devant Bank of America (BAC, 40,75 $ US) et American Express (AXP, 258,65 $ US), respectivement à 14,67 % et 12,54 %.
Même si la feuille de route de Berkshire Hathaway compte beaucoup plus de bons coups que de mauvais, la consultation de ses plus récents résultats financiers nous permet de rapidement constater qu’une donnée a de quoi soulever l’inquiétude à l’égard des marchés boursiers.
En effet, les liquidités de la société dirigée par le légendaire Warren Buffett, qui vient de célébrer son 94e anniversaire, totalisaient 277 G$ US au 30 juin, en hausse de 88 G$ US sur trois mois. Pour reprendre une analogie boursière liée au baseball, le dirigeant a souvent déclaré qu’il ne servait à rien de s’élancer sur tous les tirs et qu’il préférait attendre un tir à son goût (« You don’t have to swing at everything, you can wait for your pitch »).
En d’autres mots, il ne sert à rien d’investir dans toutes les entreprises présentes en Bourse, ce qui peut sembler très sage. Après tout, en y pensant bien, les fonds indiciels sont parfaits pour ça et permettent d’acquérir des paniers de titres à peu de frais selon une multitude de formules.
Pour revenir à Berkshire, qui a bâti sa fortune en achetant ou en investissant dans des sociétés dont les activités sont faciles à comprendre, qui sont bien dirigées et qui possèdent des avantages concurrentiels, est-ce que cela veut dire qu’il n’existe aucune aubaine en Bourse et qu’il est préférable de regarder tous les tirs passer en ce moment ? C’est le message que les dirigeants du conglomérat envoient.
Aux dernières nouvelles, les bons du Trésor du gouvernement américain ayant une échéance d’un mois portaient un taux d’intérêt de 5,3 %, comparativement à un peu moins de 4,5 % pour ceux à échéance d’un an. En y investissant ses liquidités, Berkshire devrait se contenter de faibles rendements. Ces chiffres restent de loin inférieurs au rendement annuel moyen de près de 13 % de l’indice américain S&P 500 depuis dix ans, en incluant les versements de dividendes, selon des données de S&P Global.
Si la tendance se maintient, la portion en liquidités du conglomérat est donc condamnée à sous-performer par rapport à l’indice phare de la Bourse américaine. Un article de la publication financière américaine « Motley Fool » rapportait à la fin août que le titre de Berkshire Hathaway s’était apprécié de près de 4,4 millions de pourcents entre 1965 et la fin de 2023, pour un rendement annuel moyen de 19,8 %. Une performance aussi étincelante sur une aussi longue période est excessivement rare en Bourse, mais elle sera appelée à diminuer graduellement si les liquidités continuent de s’accumuler dans le compte en banque de
la société.
La chasse à l’éléphant
La grande question, pour un investisseur qui souhaiterait investir dans Berkshire Hathaway en ce moment, est en premier lieu d’analyser la multitude d’entreprises et d’investissements qui composent son portefeuille.
Car en plus d’un portefeuille d’actions bien garni, Berkshire est aussi l’unique propriétaire de nombreuses entreprises financières dont l’assureur Geico. Elle possède également des sociétés comme le transporteur ferroviaire Burlington Northern and Santa Fe Railway, le distributeur de communiqués de presse Business Wire et le confiseur See’s Candies.
Berkshire est aussi notamment présente dans les pipelines, le transport d’électricité, les matériaux de construction et les services de location de jets privés. Chaque fois que vous achetez une pile Duracell, un « gallon » de peinture chez Benjamin Moore, une banane royale au Dairy Queen ou des sous-vêtements Fruit of the Loom, vous engraissez les comptes en banque de Berkshire Hathaway et de son emblématique dirigeant.
En second lieu, l’investisseur avisé voudra aussi savoir ce qu’il adviendra de ces liquidités ayant un poids trois fois plus important que celui de la participation de l’entreprise dans Apple. La difficulté, pour une entreprise de la taille de Berkshire, est de trouver une cible d’acquisition qui pourra avoir un poids non négligeable dans son portefeuille. Les entreprises de taille boursière « éléphantesque » n’ont pas atteint leur envergure sans raison, ce qui rend les aubaines très difficiles à trouver.
La direction pourrait-elle verser un dividende spécial ? Warren Buffett en serait le premier bénéficiaire, lui qui possède 37,6 % des actions de catégorie A de l’entreprise, valant chacune 715 300,90 $ US. Ce ne serait pas non plus la solution la plus avantageuse fiscalement, puisque le taux d’imposition des dividendes au Québec oscillait entre 19,05 % et 48,7 % en 2023, selon l’Ordre des CPA du Québec.
Berkshire pourrait aussi racheter de ses propres actions, mais peu importe ce qui arrivera, quand Warren Buffett démontre qu’il préfère s’asseoir sur des liquidités aussi abondantes plutôt que d’investir en Bourse, le petit investisseur en moi ne peut s’empêcher d’y voir un signal d’alarme.