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Non, la culture d’entreprise n’est pas un bloc monolithique

Catherine Charron|Publié à 11h57 | Mis à jour à 12h43

Non, la culture d’entreprise n’est pas un bloc monolithique

La microculture décrit cette manière que chaque équipe, division ou bureau d’une entreprise interprète à son image les valeurs et les comportements que leur employeur promeut. (Photo: 123RF)

GESTION DES TALENTS. Microcultures, sous-cultures, ADN d’équipe : les experts des ressources humaines sont de plus en plus attirés par les différentes teintes que revêt la culture organisationnelle au sein des équipes d’une même entreprise. Et pour cause. Leurs retombées positives sur la fidélisation et la performance de l’entreprise sont majeures. Encore faut-il s’assurer que les couleurs du tableau ne jurent pas, sans quoi c’est plutôt l’effet inverse qui sera observé.

La microculture décrit la manière dont chaque équipe, division ou bureau d’une entreprise interprète à son image les valeurs et les comportements que leur employeur promeut. Elle est influencée par plusieurs facteurs, comme le style de leadership, la personnalité et le comportement des membres, la nature de leur travail ou encore leur bagage culturel. 

C’est le cabinet de services professionnels Deloitte qui a braqué les projecteurs sur ce phénomène dans son rapport Global Human Capital Trends de 2024, à une époque où toutes les entreprises semblent partager, ou presque, les mêmes valeurs. D’après leurs observations, les trois quarts des multinationales encouragent l’« intégrité ».

« On veut tous être authentiques, collaborer, bien s’occuper de nos clients, viser l’excellence et l’innovation et avoir du fun, dit Benoit Hardy-Vallée directeur de service, Développement de la main-d’œuvre chez Deloitte. Ça perd de son identité. Or, que ce soit dans le milieu des affaires ou autres, on a besoin de s’identifier à un groupe. »

Il n’y a pas que dans les multinationales qu’on observe de telles différences entre les équipes, dit Benoit Hardy-Vallée, qui cite les recherches de l’anthropologue anglais Robin Dunbar. Selon celles-ci, un groupe composé d’aussi peu que cinq personnes peut avoir ses propres codes. « Pendant longtemps, on a voulu avoir une espèce de rouleau compresseur de la grande culture qui unit tout le monde. C’est vrai que ça nous prend un point de ralliement, mais au jour le jour, les gens interagissent, c’est eux qui créent ces microcultures », rappelle Benoit Hardy-Vallée.

Si ce phénomène n’est pas nouveau en soi, on semble désormais avoir besoin de le nommer, surtout depuis les nombreuses perturbations et adaptations qu’ont connues les milieux de travail ces dernières années. « Lorsqu’on veut opérationnaliser les changements, il faut toujours avoir une réflexion par rapport à notre culture organisationnelle », indique Josyanne Villeneuve, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) et fondatrice de l’entreprise de services-conseils Main dans la main.

Les conditions gagnantes

Parmi les 14 000 leaders en ressources humaines et gestionnaires issus de différents secteurs d’activité dans 95 pays que Deloitte a sondés, 71 % accordent de l’importance aux microcultures. La moitié des répondants sont même d’avis que c’est lorsqu’on observe ces légères différences entre les équipes que la culture d’entreprise est la plus fructueuse.

Toutefois, trouver ce juste équilibre entre une culture organisationnelle ni trop rigide ni trop disparate est la tendance de fond de 2024 qui engendre le plus de maux de tête, d’après le cabinet de services professionnels, et avec raison.

Pour tirer profit des microcultures au sein de son organisation, la direction doit d’abord prendre conscience qu’elles existent. C’est pourquoi Benoit Hardy-Vallée recommande dans un premier temps de prendre le pouls des cadres grâce à des entrevues et des sondages.

De nombreux outils technologiques permettent aujourd’hui d’analyser les dynamiques et les interactions entre les membres d’une équipe de façon anonyme, ce qui permet de mener un tel examen sans être influencé par l’interprétation des employés, ajoute-t-il.

Si la culture est la couleur de l’entreprise, les microcultures en sont les nuances, illustre Julie Lajoie, stratège en ressources humaines et CRHA. Ce mélange « crée la richesse de l’organisation. Puisqu’il est en constante évolution, on doit à la fois l’encadrer et laisser la latitude nécessaire pour que l’équipe se l’approprie », prévient-elle. La direction évite ainsi les dérapages, comme la piètre collaboration entre deux équipes qui prônent un code de conduite diamétralement opposé.

Pour ce faire, l’experte recommande à la personne responsable de comparer les microcultures, les valeurs qui y sont véhiculées et les comportements qui y sont observés à ceux que l’entreprise encourage et qui servent sa mission. Si l’écart est trop important, un réalignement devra être effectué.

D’où l’importance, confirme Deloitte, que toutes les équipes aillent dans la même direction, en partageant à différents degrés les mêmes valeurs. D’après les auteurs du rapport, les entreprises qui y parviennent ont 1,6 fois plus de chances d’atteindre ou de dépasser leurs cibles financières, et sont 1,8 fois plus susceptibles d’offrir un travail porteur de sens à leurs employés.

Des retombées que Josyanne Villeneuve observe sur le terrain lorsque ce concept est bien maîtrisé. « On voit davantage de communication entre les équipes, dit-elle. Les organisations qui atteignent leurs objectifs sont celles qui ont été capables de maximiser la création de valeur de chaque équipe, et ça passe notamment par incarner les valeurs de l’entreprise à leur manière. »