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Devrais-je cesser les retenues d’impôt sur ma paie et investir?

Charles Poulin|Publié le 05 janvier 2024

Devrais-je cesser les retenues d’impôt sur ma paie et investir?

«L’idée de base, c’est qu’il vaut mieux investir le montant que le laisser dormir dans les mains du gouvernement», plaide Alexandre Demets, conseiller en sécurité financière à la Sun Life. (Photo: 123RF)

Vos finances personnelles vous font faire de l’insomnie? Avec notre rubrique ARGENT CONTENT, notre journaliste spécialisé en finances personnelles, Charles Poulin, cherche les réponses pour vous gratuitement!

 

« Je fais enlever de l’impôt supplémentaire directement sur ma paye par mon employeur. Pas grand-chose, juste 50$ pour éviter d’avoir à payer de l’impôt lors de ma déclaration de revenus. Est-ce qu’il serait plus rentable de placer cet argent ailleurs en attendant avril? — Josée »

Bienvenue à ARGENT CONTENT, la chronique finances perso des Affaires où je tenterai de répondre à vos questions en toute confidentialité… avec mes 450 000 lecteurs!

Chère Josée, 

La question classique de savoir s’il vaut mieux placer notre argent dans les mains du gouvernement (lire «placer» avec un brin d’ironie ici) ou encore dans celles d’un planificateur financier.

Sans connaître la situation particulière de Josée, qui a été brève et concise dans sa question, il se pourrait aussi qu’elle n’ait pas envie de payer des acomptes provisionnels, qui sont à mon avis la neuvième plaie d’Égypte (après le trafic à toute heure de la journée sur l’autoroute métropolitaine).

Honnêtement, pour déjà avoir été obligé de casquer 2000$ par trimestre (les joies de la pige), payer ses impôts sur sa paye PLUS payer un solde en mai PLUS payer 8000$ d’acomptes provisionnels en une seule année, c’est lourd. Ne reste plus qu’à ajouter un peu de vitriol pour un pouding à l’arsenic…

Il se pourrait également que Josée déteste au plus haut point devoir sortir de l’argent de son compte en banque en avril pour régler une note fiscale. Cette aversion s’avère par contre loin d’être rentable à court, moyen et long terme.

 

Bonne approche, mauvais véhicule

«A priori, l’approche de Josée, celle de mettre de l’argent de côté pour éviter une surprise à la fin de l’année, est super bonne, souligne Guillaume Roux, chef de marché, planification financière à la BMO. Mais il y a moyen de profiter encore plus de ce montant-là.»

Autant Guillaume Roux qu’Alexandre Demets, conseiller en sécurité financière à la Sun Life, sont d’accord sur un point: avancer 1300$ aux gouvernements provincial et fédéral (26 périodes de paye en 2023, à 50$ par paye), c’est dire adieu à toute forme de rendement pour cet argent. C’est quand même une bonne somme qu’on ne fait pas fructifier pour acheter une certaine « paix d’esprit ».

«Si vous leur devez de l’argent, ils vont vous attendre dans le détour, avec intérêts, rappelle Alexandre Demets. Mais si c’est vous qui mettez votre argent dans leurs mains, vous n’obtiendrez aucun rendement.»

Quand on sait que les taux pour les certificats de placement garanti (CPG) 1 an oscillaient, à la mi-décembre, entre 4,75% et 5,25%, on renonce donc à un rendement variant grosso modo à environ 65$ annuellement. Évidemment, un produit à capital non garanti pourrait rapporter encore plus.

«Il n’y a pas de petits gestes, avance Alexandre Demets. Il suffit de passer à l’acte et ça peut avoir un gros impact en fin de compte.»

 

Retenir ou ne pas retenir, là est la question!

Donc, si Josée veut obtenir un minimum de rendement pour son argent durement gagné en attendant de savoir si elle devra verser un montant d’impôt supplémentaire en avril prochain, vaudrait mieux prendre les 50$ et les placer, estiment nos deux experts.

Première question à répondre: est-ce qu’elle veut encore que la somme soit prélevée automatiquement sur sa paye? Si la réponse est oui, les options seront alors plus limitées.

Disons simplement que si certains employeurs font preuve d’imagination en ce qui concerne les véhicules de placement pour la retraite de leurs employés, il est plutôt rare de voir des CPG ou des fonds négociés en bourse (FNB) offerts. Ça se limite habituellement aux RÉER, collectifs ou non.

«Il y a deux avantages à conserver le prélèvement, indique Guillaume Roux. C’est plus facile à gérer parce qu’on n’a pas besoin de sortir d’argent de son compte banque, et on profite de la déduction fiscale immédiatement.»

 

À l’extérieur du boulot

Si Josée décide de ne plus faire de retenue et de plutôt l’investir la somme à l’extérieur des paramètres de son talon de paye, elle aura alors un choix de véhicules de placement plus vaste.

Quel produit choisir? Ça varie bien sûr en fonction de la situation de vie et financière de chacun, mais la réponse la plus courante (et la plus répétitive) est le fidèle RÉER.

Pourquoi? Parce qu’autant soit peu que Josée (mais ça s’applique également à vous, chers lecteurs) soit disciplinée (et donc qu’elle ne dépense pas les 50$ aux deux semaines au resto), elle pourra profiter d’une double, triple ou même quadruple victoire.

Première victoire: moins d’impôts à payer.

Deuxième: le rendement associé au placement.

Troisième?

«La plupart des crédits consentis par le gouvernement, comme les allocations familiales, sont basés sur le revenu net d’une personne ou d’un ménage, rappelle Alexandre Demets. Si on baisse son revenu net grâce à l’achat de RÉER, on monte fort probablement les montants qu’on recevra des gouvernements.»

Quatrième? En assumant que Josée a des enfants, placer l’argent du remboursement d’impôt qu’elle recevra en avril dans un REEE.

«Avec un REEE, vous aurez aussi droit à une subvention des gouvernements provincial et fédéral équivalent à 30% du capital investi, note Alexandre Demets. Seulement la subvention, c’est au-delà du rendement de la majorité des placements.»

 

Plan B, C, D…

Comme je l’écrivais plus tôt, toutes les situations financières et professionnelles ne sont pas égales devant de l’argent à placer. Un patron d’entreprise qui se verse un dividende ne pourra cotiser à un RÉER, par exemple.

Un bon plan B par les temps qui courent est de rembourser ses dettes, particulièrement celles à taux variables, mentionne Guillaume Roux. La carte de crédit de Josée est peut-être pleine (à 18% ou 20% d’intérêt, sérieusement, payez cette dette-là en premier).

Elle a peut-être aussi une marge de crédit qu’il serait avantageux de réduire. Après toutes les hausses du taux directeur par la Banque du Canada depuis mars 2022, il est devenu beaucoup plus cher d’utiliser ces marges. Les taux affichés des institutions financières variaient entre 12% et 14% à la fin décembre.

Encore une fois, félicitations si les rendements de vos placements réussissent à battre les taux d’intérêt des cartes et des marges de crédit! Vous battez aussi la Caisse de dépôt et placement du Québec.

«Si vous n’avez pas de dettes ni d’enfant, le CELI serait une bonne option, soutient Guillaume Roux.»

Le conseil d’Alexandre Demets est le même si vous avez un bon fonds de retraite, car les rendements du CELI ne seront pas imposés lorsque vous les retirerez.

Les placements non enregistrés (fonds communs de placement, fonds négociés en bourse, action d’entreprises, etc.) peuvent aussi être une option intéressante pour Josée. Le gain en capital sera imposé, mais si jamais ses placements réalisaient des pertes en capital, il serait possible de les utiliser pour abaisser ses gains en capitaux des années précédentes (les pertes sont reportables sur trois ans).

«L’idée de base, c’est qu’il vaut mieux investir le montant que le laisser dormir dans les mains du gouvernement», plaide Alexandre Demets.

 

Ne perdez plus le sommeil et envoyez vos questions de finances personnelles à Charles Poulin: charles.poulin@groupecontex.ca