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À relire – La renaissance du secteur manufacturier québécois

François Normand|Publié le 10 Décembre 2022

À relire – La renaissance du secteur manufacturier québécois

Des employés de Métal Bernard, une PME beauceronne propriété du Groupe Mundial, spécialisée dans la transformation du métal en feuille. (Photo: courtoisie Métal Bernard)

ANALYSE ÉCONOMIQUE. Le Québec est de plus en plus robotisé, nous apprend une nouvelle étude. Ces robots ne doivent toutefois pas devenir les arbres qui cachent la forêt. Car cette forêt est l’incroyable renaissance de notre industrie manufacturière au fil des ans et de son nouveau leadership au Canada.

Cette semaine, Investissement Québec (IQ) a publié une étude réalisée pour son compte par l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC). Il s’agit d’une étude comparative du secteur manufacturier québécois par rapport à ses principaux concurrents et partenaires économiques et commerciaux.

Elle évalue notamment le niveau de maturité technologique de nos entreprises par rapport à leurs pairs, au Canada et en Ontario, mais aussi aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne, au Japon et en Chine.

Commençons par l’accélération de la robotisation des entreprises manufacturières du Québec, comme l’ont souligné — avec raison — plusieurs médias cette semaine.

Ainsi, entre 2014 et 2019, c’est le secteur de la fabrication du Québec qui a affiché le rythme de croissance (en %) des acquisitions et installations de robots le plus rapide parmi tous les pays étudiés.

On parle d’un bond de 275%.

La progression du Québec à l’intérieur du Canada est aussi phénoménale, selon l’étude de l’IRÉC.

En 2014, les robots installés dans les entreprises au Québec représentaient un plancher de 7,5% des installations totales de robots du secteur canadien de la fabrication. En 2019, cette proportion avait pratiquement triplé à 20%, ce qui représente le poids économique du Québec au sein de la fédération.

Bien entendu, il y a un effet de rattrapage dans cette performance de l’industrie québécoise.

Pour autant, on peut lever notre chapeau à tous ces chefs d’entreprise qui ont décidé de se moderniser afin que leur organisation soit plus productive et compétitive, en grande partie grâce à l’accompagnement et à l’appui financier d’organisations comme IQ. 

 

Une effervescence manufacturière généralisée

D’autres données de l’étude de l’IRÉC témoignent d’une effervescence assez généralisée dans le secteur manufacturier du Québec.

Il y a d’abord l’évolution du nombre d’entreprises manufacturières en exploitation, et ce, de 2015 à 2019.

Le Québec arrive au troisième rang des États analysés avec une croissance de 3,2%, et ce, après le Royaume-Uni (6,8%) et l’Allemagne (3,7%). À titre de comparaison, la progression au Canada et en Ontario a été respectivement de 1,5% et de 1,4%.

On note même un recul du nombre d’entreprises aux États-Unis (-0,9%) et en Chine (-1,4%) durant cette période.

Les entreprises manufacturières du Québec se démarquent également en ce qui a trait aux investissements dans les actifs non résidentiels qu’elles réalisent pour accroître ou moderniser leurs capacités de production.

Ces investissements sont comparés au poids du PIB manufacturier dans les économies analysées par l’IRÉC.

Ainsi, à partir de cette base de comparaison, le Québec figure au quatrième rang avec une croissance annuelle moyenne de 3,18% entre 2015 et 2019, derrière l’Allemagne (4,45%), l’Italie (3,61%) et le Japon (3,52%).

Fait notoire, par rapport au PIB manufacturier, le rythme de croissance des investissements des entreprises québécoises a progressé respectivement deux fois et quatre fois plus vite que celui de leurs concurrentes ontariennes (1,61%) et américaines (0,79%).

Par ailleurs, une autre statistique démontre qu’on a tendance à sous-estimer l’importance du secteur manufacturier au Québec dans l’ensemble du Canada.

Selon l’étude de l’IRÉC, le Québec abritait en 2019 environ 27% du total des entreprises manufacturières en activité au pays. Or, la population du Québec représente 22,4% de la population canadienne, selon Statistique Canada (estimation au troisième trimestre de 2022).

À titre de comparaison, l’Ontario comptait environ 40% des entreprises manufacturières en activité au pays en 2019. Or, la population de cette province représente 38,8% de la population du Canada.

 

Une ombre au tableau: la R-D

Malgré tous ces points positifs, il y a une source d’inquiétude à propos du Québec manufacturier, et pas la moindre.

Il s’agit de la décroissance des dépenses en R-D du secteur par rapport au PIB manufacturier; elles ont connu une baisse annuelle moyenne importante (-11,03%) entre 2015 et 2019.

Elles ont été proportionnellement et en moyenne inférieures à celles de ses principaux concurrents et partenaires commerciaux, selon l’étude de l’IRÉC.

Sur cette période, elles sont passées de 6% à 3,75% du PIB manufacturier québécois.

En fait, c’est une problématique canadienne.

En 2015, ces dépenses en R-D représentaient respectivement 3,5% et 3,3% du PIB manufacturier en Ontario et dans celui du reste du Canada. En 2019, cette proportion avait chuté à 2,6% dans les deux cas.

À titre de comparaison, ces dépenses sont beaucoup plus élevées aux États-Unis (11,7%), au Japon (10,7%), en Allemagne (9%), en France (6%) ou en Chine (5,0%).

Les décideurs politiques et économiques devront donc s’attaquer de front à cette problématique dans les années à venir. Et celle-ci n’est peut-être pas étrangère au fait que le Canada a une monnaie relativement faible par rapport au dollar américain, à l’euro et au yen japonais.

Une devise faible accroît artificiellement la compétitivité sur les marchés d’exportation. Elle n’incite donc pas vraiment les entreprises à miser sur la R-D pour innover et être du coup plus compétitives.

Cela dit, si on regarde l’ensemble de l’œuvre, la renaissance du secteur manufacturier au Québec demeure malgré tout assez remarquable, et ce, sur une période de temps relativement courte.

Et cette tendance est loin d’être terminée, si l’on tient compte de tous les efforts que déploient encore actuellement le gouvernement, les associations sectorielles et les entreprises afin de moderniser les capacités de production au Québec.

C’est de bon augure pour l’avenir.