Prévoir le cours du pétrole : science, art ou processus aléatoire?
Pierre Lussier|Mis à jour le 26 juillet 2024(Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. La grille de critères ci-dessous vise à minimiser le risque de se tromper lorsqu’il s’agit de prévoir les cours du pétrole et des pétrolières. Si la majorité pointe vert, le risque de prendre une position longue pourrait être faible. Si par-contre, la majorité pointe rouge, c’est le contraire. La colonne neutre / ? indique que l’information n’est pas concluante. Par ailleurs, si le crochet est vert pâle ou rouge pâle, cela doit être interprété, comme étant légèrement positif ou négatif. Naturellement, le positionnement de ces critères relève d’une interprétation…
1- Le comportement de l’indice de l’énergie de la Bourse de Toronto a été sensiblement relié à celui du cours du pétrole, une vérité de La Palice.
2- Plusieurs facteurs doivent être pris en considération afin de tenter d’estimer le futur du cours de la denrée.
a. Le fondamental de base, soit l’écart entre la demande et l’offre. Comme pour toutes les autres denrées et toutes choses étant égales par ailleurs, un prix élevé devrait coïncider avec une demande (consommation) supérieure à l’offre (production
Force est d’admettre que cet écart n’a été concluant dans le passé pour expliquer le comportement du WTI comme l’illustre le graphique ci-dessous.
Même conclusion si les écarts entre les croissances de la consommation et celles de la production sont considérées.
Note : comme pour tous les graphiques, les prévisions sont mises en évidence par les lignes grasses bleues et roses.
b. Les inventaires ont été meilleurs pour prévoir le cours du pétrole. À la marge, quand ils ont été élevés, le WTI avait atteint un creux. Mais le couloir entre un niveau élevé des inventaires (achat) et un niveau faible des inventaires (vente) n’a pas été très consistant. Même constatation s’ils sont pris en % de la production. Présentement, ils pointent négatifs.
c. Pour la période allant de 1970 à 2008, le cours du WTI a historiquement connu une corrélation négative (- 0,18) avec la croissance économique américaine.
Mais depuis 2008, elle fût positive à 0,21, ce qui toutefois, n’est pas très significatif.
Et les prévisions de l’économie pour 2024 et 2025 tournent autour de 2,05 %, donc un effet neutre si elles se réalisent.
d. Le nombre de plateformes (rigs) qui est une mesure de l’offre que Baker Hughes, l’initiateur du décompte mondial, estime être un indice précurseur de la consommation, ne l’a pas été.
Au mieux, il a été coincident avec le cours du WTI. Les producteurs qui ont suivi le marché au lieu de l’anticiper, sont devenus plus actifs quand le cours avait grimpé. Et le contraire lorsque le cours avait baissé. En fait, ils ont répondu à la demande. Présentement, il est dans une zone de neutre à positif.
e. Les incertitudes politiques, comme entre autres, comment réagirait le marché aux actions que Donald Trump pourrait implanter envers l’Iran s’il prenait le pouvoir, sont les plus difficiles à clarifier étant donné le grand nombre de joueurs impliqués sur plusieurs plans.
f. Les flux monétaires, soit les positions prises par les intervenants.
- Participants physiques : indicateur contrarian. Quand les producteurs et marchands se sont allongés fortement sur les contrats à terme (#), souvent, le cours a par la suite, baissé. Présentement, cela point négatif.
Gestionnaires de portefeuilles qui ont pris des positions de contrats à terme U.S. sur le cours du pétrole : pas très indicatif sauf pour acheter quand leurs positions sont faibles. Présentement, cela pointe neutre.
g. Sentiment des intervenants financiers: indicateur contrarian. Lorsque tous les intervenants sont optimistes, souvent, cela est déjà reflété dans le marché. Cet indicateur a été efficace quand il était dans les extrêmes, surtout pour acheter. Présentement, il pointe de négatif à neutre.
h. Les prévisions.
- Ci-dessous, ce trouve l’écart entre les cours (USD) du WTI réalisés et les prévisions faites douze mois avant.
- Historiquement, comme pour tous les prévisionnistes de tous les marchés, l’humilité est de mise…
À partir d’aujourd’hui, si elles se réalisent, ce serait de neutre à positif.
i. Évaluations boursières : Même si depuis 2020, certains fonds sont sortis secteur en raison de leur politique ESG et qu’à la marge, en termes de flux monétaires, cela n’a pas été positif, il demeure que le secteur, relativement au SPTSX, a ensuite bien fait : + 135 % vs + 40 %. Les investisseurs ont donc été, comme toujours, attirés par les attrayants écarts d’évaluation.
- Absolues :
- Cours / Bénéfices estimés pour décembre 2025 : peu attrayant puisqu’élevé à 11,6x.
2. Dividende / Cours: plus il est élevé, plus les pétrolières sont attrayantes. À 5 %, les pétrolières sont peut-être attrayantes.
- Relatives au S&P/TSX: Lorsque la ligne bleue a grimpé, cela signifie que l’indice de l’énergie a mieux fait que celui du S&P/TSX.
- Cours / Bénéfices estimés pour décembre 2025, écarts: de peu attrayant à neutre.
2. Dividendes / Cours : plus il est élevé, plus les pétrolières sont attrayantes. Elles sont présentement peut-être attrayantes.
- Conclusions :
- Prévoir le cours du pétrole ou ses tendances, avec consistance à travers les années, a été un exercice difficile étant donné le nombre élevé de variables à tenir compte.
- Présentement, les conditions – critères – ne sont pas convaincants.
- Une stratégie à considérer afin de maximiser le rendement / risque d’un portefeuille pourrait résider dans :
- se mettre au poids de l’indice sectoriel et
- se consacrer à investir dans les titres de entreprises qui bénéficient des meilleurs dirigeants, alors que leurs mesures d’évaluation sont attrayantes, ce qui, à moyen terme, permettrait de générer un alpha positif relativement au rendement de l’indice et /ou
- simplement se consacrer à investir dans les titres de entreprises qui bénéficient des meilleurs dirigeants, alors que leurs mesures d’évaluation sont attrayantes.
Réserve importante: Ces observations ont été faites sur des données historiques qui ne sont pas garantes du futur.
Sources des données: Banque Mondiale. Bloomberg. Consensus. IEA.