Pour les États-Unis, «les droits de douane doivent aller de pair avec les investissements»
AFP|Publié il y a 44 minutesWASHINGTON, DC - MAY 14: U.S. Trade Representative Katherine Tai answers questions during the daily press briefing at the White House on May 14, 2024 in Washington, DC. Tai answered a range of questions related primarily to new trade tariffs against Chinese imports announced today by U.S. President Joe Biden. (Photo by Win McNamee/Getty Images)
Washington — Si les États-Unis voient dans les droits de douane un «moyen de levier avec la Chine quand [ils] négocieron[t] sur le commerce», ces droits sont avant tout efficaces quand ils vont «de pair avec les investissements», a estimé la représentante au Commerce (USTR) de la Maison-Blanche.
«Vous nous avez vu augmenter certains droits de douane afin de nous assurer que les investissements» réalisés dans des secteurs-clés «portent leurs fruits et sont efficaces pour créer de la production et des emplois pour nos travailleurs», a insisté Katherine Tai, lors d’un entretien accordé à l’AFP.
Les tarifs douaniers à l’égard des produits chinois sont l’un des rares points sur lesquels les deux derniers présidents, Donald Trump et Joe Biden, se retrouvent. Mis en place par le premier, ces tarifs ont été largement maintenus, et même renforcés pour certains secteurs, par le second.
Le récent point d’étape réalisé par l’USTR sur le sujet est venu confirmer l’ensemble des droits de douane mis en place durant la présidence Trump.
«Les droits de douane peuvent jouer un rôle légitime et constructif quand ils sont utilisés de manière réfléchie, en combinaison avec d’autres outils politiques», a défendu Katherine Tai.
Ces tarifs douaniers, avec les investissements dans les énergies propres, les véhicules électriques et les semi-conducteurs soutenus par l’État fédéral, portent leurs fruits, a-t-elle affirmé.
«Cela va prendre du temps», a-t-elle reconnu, «et il faut être clair: l’objectif n’est pas de ramener toutes les industries aux États-Unis et de ne compter que sur nous-mêmes. L’objectif est de revitaliser l’industrie américaine et de lui permettre de récupérer de la lente érosion qu’elle a connue pour nous assurer qu’elle reste solide».
Signe de cette difficulté, même si Katherine Tai parle de «centaines de milliers de nouveaux emplois industriels» au crédit de la politique menée par le gouvernement de Joe Biden, l’emploi industriel marque le pas ces derniers mois.
Les droits de douane viennent s’inscrire, selon Katherine Tai, dans une politique qui se veut «centrée sur les travailleurs», et qui s’applique également aux accords commerciaux d’un nouveau type, que les États-Unis négocient actuellement, avec les pays de la région indopacifique ou avec le Kenya notamment.
Des accords bons pour tous
En la matière, l’accord Canada-Etats-Unis-Mexique (USMCA) offre déjà un mécanisme permettant de s’assurer du respect du droit du travail «prévu non seulement par l’accord, mais aussi par la loi mexicaine», rappelle l’USTR.
«Nous avons utilisé ce mécanisme 30 fois et obtenu gain de cause 25 fois, ce qui représente plus de 30 000 salariés au Mexique qui ont vu leurs droits respectés», a détaillé Katherine Tai. Ceci permet «d’assurer une concurrence loyale entre salariés américains et mexicains», a-t-elle ajouté.
Mais aussi d’envoyer un signal aux entreprises «qui doivent savoir qu’elles ne peuvent pas installer une usine au Mexique en espérant en tirer profit par le contournement de la loi mexicaine ou du USMCA», a-t-elle relevé.
Un modèle que les États-Unis souhaitent reprendre, dans le cadre des négociations pour le Cadre économique pour l’Indo-Pacifique (IPEF) qui sont en cours. Elles visent à associer une quinzaine de pays, parmi lesquels l’Inde, le Japon, l’Australie ou le Vietnam, autour de quatre piliers, comme un commerce équitable ou la décarbonation des économies.
«Il s’agit de trouver la clé, que nous n’avons pas encore, pour faire en sorte que les États commercent de manière à développer leur classe moyenne ensemble plutôt que les opposer les unes aux autres», a souligné Katherine Tai.
Des négociations difficiles, mais «les négociations commerciales le sont par nature».
«Nous continuons à faire des progrès. Nous voulons que ces accords apportent d’autres résultats, qu’ils ne soient pas bons juste pour les multinationales, mais pour tous. Cela nécessite d’aller pays par pays, pratique par pratique, c’est long», a-t-elle expliqué.
Cela concerne également l’Union européenne (UE), alors que les négociations en vue d’un accord sur les minéraux critiques semblent prendre du retard. Mais «je reste très optimiste, nous parviendrons à construire ce type d’accord», a-t-elle dit.
«Nous partageons les mêmes traditions, mais nous avons fait du commerce de manière différente», a-t-elle noté. «Nos valeurs sont totalement alignées, il s’agit plus de points techniques à résoudre» qui retardent pour l’instant la conclusion d’un accord.
L’UE et les États-Unis négocient depuis plus de 18 mois un accord qui bute en particulier sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) européen, qui permet d’ajouter un prix carbone aux produits provenant de l’extérieur de l’UE.